Fêter son anniversaire au sommet du Canigou, quelle idée saugrenue ce Jordi!… Elle est cependant bien séduisante cette randonnée sur deux jours même si le regard de certains trahit un soupçon d’inquiétude…, le chemin est si long…, et le dénivelé!…, impressionnant, le dénivelé…, et le temps…, comment il sera, le temps…
Samedi matin.
À Los Masos de Valmanya (1030m d’altitude), bien avant l’heure prévue, tout le monde est fin prêt. Il est 7h40, nous nous élançons pour cette grande randonnée.
Dans l’ombre apaisante du sous bois, le chemin serpente mollement en larges lacets paresseux. Il prend son temps. Dans le groupe, les conversations sont animées. Sans presque nous en rendre compte, nous arrivons au refuge de Pinatell (1650m).
Une petite halte grignotage et nous voila repartis sur le GR10 en direction du Ras de Prat Cabrera (1739m) où nous arrivons vers 11h30. Là, après un court instant de repos, nous repartons en ignorant la large piste carrossable pour suivre l’itinéraire dit « de l’avion ». Nous nous engageons dans la rude et exigeante montée. Le chemin est âpre, le souffle se fait court mais le paysage est grandiose. Nous multiplions les mini pauses autant pour profiter du panorama que pour reprendre notre respiration. Après environ une heure de marche la pente enfin s’adoucit et le chemin assagi nous laisse souffler un peu. Nous avons franchi les 2000m et il est l’heure de passer à table.
Rassasiés et reposés, nous reprenons notre marche. Le but maintenant est tout proche. Bientôt sur le bord du chemin une épave d’avion apparait…
Tragédie sur le Canigou:
Le vendredi 6 octobre 1961, à 20h43 en temps universel (TU), le Douglas C-47B-30-DK Dakota 4 de la Derby Aviation immatriculé G-AMSW prend son envol de l’aéroport de Londres Gatwick en direction de Perpignan. À son bord se trouvent 31 passagers et 3 membres d’équipage. Samedi 7 octobre à 0h30 il entre en contact radio avec le contrôle de Toulouse. L’atterrissage est prévu à Perpignan à 1h12. À 1h00 il percute les flancs du Barbet à 2200m d’altitude. Il n’y aura aucun survivant. L’enquête conclura à une erreur de navigation comme cause probable de l’accident. Une petite pensée pour les malheureuses victimes.
Un peu avant 14h30, nous posons enfin nos sacs au chalet des Cortalets après 15km de marche et parait-il environ 1400m de dénivelée. Le soleil a accompagné les douze randonneurs du groupe tout au long du chemin.
Dimanche matin.
Une bonne partie de la nuit, l’orage s’est déchainé sur le massif. Entre 4 et 7h ce n’était que tempête, pluie battante éclairs et tonnerre. Petit à petit cependant, l’orage s’est éloigné vers le littoral, laissant sur la montagne un ciel encore incertain mais prometteur. Les prévisions météo de la journée sont bonnes, il est 8h20 et notre groupe réduit à 8 participants se met en route.
La montée par le Barbet se fait d’abord en sous bois. Assez rapidement, les arbres disparaissent et laissent la place à une pelouse d’altitude rase et moelleuse. Sur le bord du chemin, une excavation. Nous sommes au « maner de l’or » (la mine d’or). Ici les hommes ont cru un moment avoir trouvé leur Eldorado. Malheureusement pour eux les « pépites » n’étaient que des cristaux de pyrite « l’or des fous » et l’exploitation a aussitôt été abandonnée et laissée en l’état.
À mesure que nous nous élevons sur la crête, nous découvrons un panorama grandiose souligné par des nuages d’une blancheur étincelante. En haut, nous ne pouvons résister à l’envie de quitter un instant le chemin pour grimper jusqu’au sommet du Barbet et bénéficier ainsi de la plus belle vue sur le Canigou qui pour nous contrarier s’est pudiquement caché derrière un voile nuageux. Il nous faudra beaucoup de patience pour qu’enfin il daigne se montrer.
Une petite descente vers la Porteille de Valmanya et nous voila déjà sur le chemin chaotique qui conduit à l’impressionnante cheminée. Au passage nous jetons un regard sur la vertigineuse Brèche Durier et nous voila au pied de la cheminée. Finalement, elle est plus impressionnante que difficile et à midi nous débouchons sur le sommet mythique des catalans, le Pic du Canigou.
Embrassades, congratulations, séries interminables de photos, on aimerait arrêter le temps pour mieux profiter de l’instant. Après s’être bien imprégnés de tant de beauté, c’est un peu à contrecœur que nous redescendons par la voie classique vers le chalet des Cortalets que nous atteignons vers 13h30. Un grand moment de repos, un bon repas et il faut songer au retour. Nous suivons la longue piste jusqu’au Ras de Prat Cabrera et puis par le bois de Patriques, sur un sentier en forte pente, nous dégringolons vers Los Masos où nous arrivons à 17h30. Pendant ces deux journées, nous avons bénéficié d’un temps splendide et de conditions météorologiques extraordinaires.
C’est la fin de cette superbe et inoubliable randonnée d’environ 17km pour un peu plus de 900m de dénivelée.